Un coup de foudre

C’est par une soirée de Novembre que le père de Claude demanda à son fils d’aller chez le nouveau voisin pour lui demander le marteau que celui-ci lui avait emprunté quelques jours auparavant. La nuit était froide et sombre.Le garçon avait beau s’ébrouer tout en marchant, il ne parvenait pas à se réchauffer. Il n’y avait personne dans la vieille maison quand Claude se retrouva dans la cour. L’étable avait encore de la lumière et le garçon se dirigea vers elle. Tout à coup il reçut un choc terrible. Son corps se raidit de surprise tandis que son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Ses jambes faillirent lui manquer comme si un évanouissement le guettait. Il était si ébloui par la jeune fille qui était devant lui qu’il en voyait trente-six chandelles allumées au milieu de l’étable sombre qu’il en était au bord de la faiblesse. Et quand la jeune fille lui demanda ce qu’il voulait, ce ne sont pas des mots qu’il entendît mais de la musique cristalline et profonde. Il l’avait dérangée en plein travail. Claude ne put rien répondre. Son cœur, au bord de l’éclatement en mille morceaux se retrouvait dans ses petits souliers à chaque regard qu’il portait sur elle. En lui-même une voix éclatante lui chantait qu’il avait trouvé là la femme de sa vie, une beauté dont on ne trouverait pas l’égale de l’autre côté de l’océan Atlantique où les jolies filles étaient pourtant renommées. Claude, bien qu’il fût un gars solide, restait muet devant elle. Il n’avait jamais rencontré une fille qui la valait. Mais au bout d’un moment ses jambes retrouvèrent leurs fonctions tandis que sa tête demeurait quelque peu abasourdie. Enfin quelque chose lui délia la langue restée paralysée dans sa bouche depuis le tout début de sa vision.
“Je… suis venu chercher le marteau que votre père a emprunté au mien“
“Il est près de vous“ répondit la jeune fille en souriant.
Claude s’en saisit avant de dire: “Au revoir “
– « Au revoir… à la prochaine…”répondit la jeune fille.
Claude n’avait aucune fille en vue avant de la rencontrer. C’était un garçon sain de corps et d’esprit. Il était bien dans sa peau. C’était la première fois que Cupidon le frappait si brutalement. Il se savait sensible à l’autre sexe. De temps en temps il lui arrivait de fréquenter une fille ou une autre mais il n’en conservait pas longtemps le souvenir. Il n’était pas homme à compter fleurette aux filles. Mais cette fois, et sans qu’il le sache, de mystérieux poèmes chantonnaient en lui tout en restant muets sur ses lèvres mais bien vivants dans son cœur… La maladie d’amour n’avait pas été longue à le prendre dans ses filets. Son père le regardait avec surprise parfois quand il l’entendait chantonner joyeux mais le garçon ne voulait pas lui avouer: “Père, la fille du voisin me fait perdre la tête….“
On pouvait dire qu’elle l’avait complètement retourné bien qu’il soit resté maître de lui-même. Il était tombé amoureux très vite. Mais Claude pensait qu’il valait mieux attendre pour lui dire qu’il l’aimait…
De temps en temps, il dressait l’oreille pour entendre l’écho de ses pas se rapprochant de sa maison. Il la guettait mais son travail la tenait loin de là. Elle s’appelait Katell et chaque fois qu’il prononçait son nom il sentait une onde de plaisir le traverser. Sans le savoir elle l’avait fortement ébranlé… Il ne souhaitait pas rencontrer ses parents tant que se refléterait dans ses yeux et dans tout son être une aussi apparente émotion.Elle, elle ne savait pas, sans doute, les désirs qu’elle pouvait éveiller. Il lui semblait qu’il avait été toute sa vie à sa recherche… Claude était devenu un prisonnier qui s’était muré lui-même dans une prison dont il aurait lui-même forgé les barreaux. Une fièvre d’origine inconnue le tenaillait de jour comme de nuit. Une étrange destinée qui avait jeté sur lui une maladie étonnante et bienfaisante dont il n’attendait aucune guérison. Son cœur n’arrêtait pas de la bénir.
Son prénom chantait joyeusement dans ses oreilles et résonnait comme du cristal dans son for-intérieur. Claude pensait qu’elle aurait pu donner le “la“ à toutes les femmes du monde. Ah!! pouvoir une fois seulement l’étreindre, caresser ses longs cheveux, boire son souffle sur ses lèvres. Tout ce qu’elle pouvait voir se changeait en or pour ses yeux à lui…

Na lennit ket hepken, komzit !