Deux mois et demi d’internement en camp en Haute-Bretagne

La poussière et la chaleur sont nos plus grandes misères. Toutes les haies autour du camp nous les avons mises en pièces, détruites et cassées. On a coupé les branches des arbres et maintenant il ne reste même plus une seule ombre fraîche. Nous rôtissons sous le soleil ardent si bien, que nous avons du mal parfois à respirer. Et on a beau se retirer sous nos tentes. C’est tout simplement pire.

Il y a un lac dans le voisinage, ou, plutôt, un trou fangeux. Il y a toujours quelques quidams dedans en train de se laver, ou plutôt en train de se salir au milieu de la lie épaisse brassée et remuée par les pieds.

A présent il y a boire selon sa propre soif. Trois camions nous apportent sans arrêt de l’eau de Kastellbriant ou d’un autre endroit. Outre la nourriture qui nous est servie on peut aussi acheter du chocolat, du pain, des conserves etc… Il est question de nous construire des baraques en bois.

Il y a de l’orage dans l’air. Le ciel noir, nuageux, devient de plus en plus sombre. Il pleure maintenant comme pleurent nos cœurs, doucement, goutte ha goutte. C’est le ciel de Bretagne! Notre Bretagne tant aimée dont l’âme est opprimée depuis si longtemps. Notre Bretagne deux fois vidée de son sang au cours de 25 années et toujours vivace cependant.

C’est la grande pluie à présent, comme de la pluie d’orage, bue tout d’abord par la poussière et la terre sèches. Elle a commencé à se répandre autour de nous. Elle remplit les trous et les ornières. Les ruisseaux autour de nos abris se transforment en rivières. Elle traverse nos toits de chaume.

Na lennit ket hepken, komzit !