Aide à la traduction

Observations générales:

Les observations qui suivent ne prétendent pas remplacer une grammaire.
Elles ont pour base les recommandations de V.Seité et de P.J Hélias:

Lire et relire les bons écrivains et écouter les bons locuteurs.

Elles n’ont qu’un seul but: donner quelques clés simples et pratiques pour éviter
de tomber dans les premiers pièges de la translittération qui gagne de plus en plus de terrain chez les apprenants

Il y a translittération quand on traduit, mot à mot, une langue dans une autre.

On peut appeler « Traduction » d’une langue dans une autre le passage d’une idée, d’une description, d’un sentiment….. appartenant à une civilisation dans une autre civilisation possédant elle aussi ses propres moyens d’expressions.

Il s’agit donc plus d’exprimer des idées que du vocabulaire et ceci en conservant l’image juste de ce qu’on veut décrire…

Or toutes les langues sont différentes. Concernant le français et le breton, les erreurs que l’on commet semblent avoir plusieurs origines.

Des erreurs dues:

a) à deux civilisations issues de deux langues différentes

  • L’une latine, l’autre celtique. La première souvent mieux connue par les néo-bretonnants que la seconde, d’où risque de mimétisme.

b) au fait que le français n’est pas une langue populaire mais issue d’une scolarité qui a fait la chasse aux parlers locaux…….

c) au fait que les “apparents abus de langage en français” semblent plus nombreux que ceux du breton qui, lui, garde un sens pratique plus développé.

d) au fait que les verbes et les mots en breton ont un sens plus strict. Par exemple le verbe faire: Faire le lit – faire la valise. En breton on ne fait pas un lit, on “l’arrange”. On ne fait la valise, on la remplit…

e ) à des différences de logique – Une logique qu’on pourrait appeler “intellectuelle” et une autre logique dite populaire, plus proche des réalités quotidiennes..

Prenons comme exemple les vers bien connus de Victor Hugo:

Il réveilla son fils dormant; sa femme lasse
Et se remit à fuir sinistre dans l’espace.

On voit de suite que la traduction mot à mot, en breton, nous amènerait à réveiller un endormi, ce qui va sans dire, et une femme qui, elle, ne dort pas, ainsi qu’à faire prendre des ailes à une seule personne, dont on pourrait se demander pourquoi elle part seule après avoir réveillé les deux autres!

De plus le mot dormant fait partie de ceux qui traduisent à la fois un participe présent, une forme progressive et un adjectif verbal. Nous verrons plusieurs conseils à suivre pour éviter ces pièges:

1°) Connaissance de la civilisation bretonne. (En particulier lire Hélias en français)
2°) Surtout ne pas se ruer sur le dictionnaire, en particulier si celui-ci n’est qu’un simple lexique.
3°) Mettre la phrase à traduire en image la plus concrète possible.
4°) Examiner, dans les deux langues, si le vocabulaire est en relation exacte avec la situation décrite par cette image. On peut également voir quelle action a amené la situation décrite, ou, éventuellement; quelle est la fonction de l’objet dont on parle..
Exemple: S’asseoir sur les genoux de quelqu’un – ( En fait s’asseoir sur les cuisses de quelqu’un)
5°) Voir si on n’a pas mis des immobiles en mouvement par un emploi abusif de la forme progressive ou si on n’a pas fait une chose matériellement impossible:
Exemples: La route s’arrête au milieu du village.
J’ai découvert la région – La région n’est pas couverte: On fait connaissance – on visite…

Le breton est une langue riche. En breton le mot “pinvidig » ne s’applique qu’aux choses ayant trait à l’argent.
Donc si le vocabulaire n’est pas en concordance avec la situation décrite il y a risque de translittération.
Un premier remède consistera à modifier le vocabulaire pour l’adapter à la description. Greet am-eus anaoudegez gand ar vro – Ar brezoneg a zo eur yez pourvezet brao ou (mieux): Ar brezoneg n’eo ket dibourvez.
6°) Voir si ce qu’on dit ne contient pas d’éléments qui ne seraient pas en relation avec la civilisation dont on parle.
7°) Faire contrôler la phrase par un bon brittophone ou chercher dans des bons ouvrages traitant des même sujets
8°) Faire des comparaisons avec d’autres langues.
Exemple: On trouve: “Pinvidikaad an anaoudegez” qui est un gallicisme total –
Il aurait mieux valu utiliser: Kreski ar skiant qui correspond à l’anglais “ To improve one’s knowledge”. Mais ceci est quelquefois assez risqué…
9°) Avoir une bonne connaissance de l’usage des prépositions qui sont la clé de bien des structures grammaticales, dont, notamment la traduction du verbe avoir.
10°) Rechercher enfin dans l’un des dictionnaires suivants: Vallée – Favereau – Garnier, Gros les expressions manquantes en prenant le mot clé figurant dans la phrase à traduire. Feuilleter ces derniers le plus souvent possible comme on le fait avec un livre favori…
11°) Lire et relire les rimadellou et les proverbes.
12°) Retenir les expressions qui sont identiques en breton et en français;
Exemple: Faire le diable: ober an diaoul;
13°) Se rappeler que le breton est une langue d’une grande précision.
Traduire: Il ne lui reste plus que la peau et les os.
L’image nous montre un squelette ambulant: Deuet e oa da veza eur horf eskern.
Ou: Eur sahad eskern a oa anezañ.
La traduction littérale aurait donné: Ne chome nemed ar hroc’henn hag an eskern anezañ. Mais là, le “nemed” a un sens restrictif tel que le pauvre diable n’a plus de cheveux, d’yeux, d’ongles, d’habits… Ce qui n’est pas le cas. Il s’agit de décrire quelqu’un de très maigre et ici il y a risque de tomber dans le cliché: Seblant eun ankou krignet a oa warnañ – Ou: Treud baz e oa deuet da veza – Eur vaz gwisket;..Treud ki (?)
Quand on examine le résultat de l’action qui a conduit à cet état on voit un être décharné. Maria Prat nous en donne une description saisissante: Eet e oa ar hig diwar e eskern.
On s’aperçoit que tous les mots n’ont pas été utilisés, et pourtant la description est exacte.
Remarques: – Il ne s’agit donc pas traduire mot à mot.

  • Il peut exister des mots superflus en français.
  • Il se peut que l’ajout de mots bretons soit nécessaire (dont des prépositions)
  • Les troiou lavar, s’ils peuvent aider, conduisent parfois à des clichés assez éculés. S’ils sont une découverte pour le néo-bretonnant, ils sont bien connus du brittophone confirmé et peuvent paraître “rasoir”. Pire, pour certains “brittophones confirmés” mais élevés à l’école de la translittération ils peuvent être incompréhensibles. – Notons qu’ une phrase bien construite comme celle de Maria Prat constitue en elle-même eun “dro-lavar”et qu’il est difficile de faire la différence entre un “cliché” et une phrase correcte bien “sonnée”. En ce sens il est préférable de savoir appliquer la syntaxe réelle, que d’apprendre par cœur des troiou-lavar.

Proposition de traduction de la phrase:

Il réveilla son fils dormant, sa femme lasse
Et se remit à fuir sinistre dans l’espace.

Dihuni a reas e vab hag e wreg skuiz-maro
Ha, tristig, e sachjont o zri o skasou ganto.

On voit de suite que la notion “d’espace” n’a pas été donnée.

On aurait pu dire:
« ha, tristig e rejont o zri eun toull en êr ».

Mais il y aurait eu là un manque de respect pour le texte de base…

Traduire: (on pourra se servir du dictionnaire de F. Favereau)

Seza était assise sur les genoux de sa mère.
Elle était tombée sur les genoux.
Elle s’était mise à genoux.
Il y avait une chaleur d’enfer dans la cuisine
Il y avait une chaleur épouvantable à bord du bateau.
Il montait la rue tout tranquillement.
Il était transporté de joie.
La rue montait et descendait sans arrêt.
La rue descendait jusqu’au port. 
La route qui passe devant chez moi va à Brest
Jean n’arrêtait pas de se gratter le dos. "Tu fais la chasse à tes puces?" lui demandant Pierre.
Quand la terre est saturée d’eau, la pluie s’arrête toujours.
Alors, bien mangé?
Il ronflait tellement fort que tous croyaient voir le toit de sa chambre se soulever.
Vouloir c’est pouvoir.
Il nous a envoyé une lettre. Je lui ai envoyé une lettre. 
Le sentier longeait la côte. 
Il suivait la voiture.
La falaise était à pic et le sentier descendait très vite. 
Le score ne reflète pas la partie.
On n’attire pas les mouches avec du vinaigre
Ces paroles-là le piquèrent jusqu’au vif.


Na lennit ket hepken, komzit !